La lave vaisselle était plein. Les bacs rincés et les casseroles en train de sécher tranquillement. le coup de feu, si tant était qu'on put qualifier ainsi le plus fort moment de ce service de midi de milieu de semaine était passé...Seules quelques tables étaient encore occupées, et le passe plat sur lequel je passai machinalement un coup de torchon bien dégagé. Je pouvais m'octroyer sans culpabiliser un petit temps de pose.
J remis le linge sur sa patère avant de vérifier que la machine à laver était bien en marche, puis, franchissant la porte battante séparant la salle de la cuisine, je passai derrière le comptoir pour prélever dans la verrine toujours au chaud une tasse de café.
J'observais avec satisfaction que les réflexes de mon nouveau métier s’acquéraient. J'avais contrôlé le hublot avant de pousser le battant de la porte, et bien anticipé les mouvements du barman pour ne pas le gêner en me servant.
Il ne me manquait à présent qu'une bonne clope, et un peu d'air frais, non alourdi d'effluves de fromage, certes appétissantes pour qui avait faim, mais écœurantes, un brin, pour qui y baignait depuis plusieurs heures. Si on ajoutait à celles-ci la densité induite par les vapeurs de la plonge, on comprenait aisément que j'aie accueilli avec joie l'oxygène vivifiant du dehors.
Dans l’arrière cour des Yeties, j'avais depuis plusieurs jour déjà, remarqué la carcasse d'un vieux four, abandonné aux caprices des intempéries.
Tout en fumant, je décidai d'aller le regarder de plus prés
L'inox était pas mal rayé, un peu bosselé, même, et l'intérieur bien noirci.
Mais les lampes chauffantes paraissaient intactes. Plus je regardait le relégué, plus je songeais qu'il était fort dommage de ne pas essayer de lui donner une potentielle seconde vie.
J'aimais assez bricoler...et surtout ne pas gaspiller!
J’avalai une goulée de café presque brulant, tranchant avec l'air vif de l’Oregon à la mi mars, tout en jouant avec les charnières de la porte qui avaient manifestement pas mal de jeu. L'appareil avait déjà pas mal souffert au travail, manifestement. L'usure du joint confirmait mon diagnostique...mais il en fallait plus pour que mon projet me semble irréaliste. De toute façon, le verdict de faisabilité ne tomberait qu’une fois un bon diagnostique électrique posé. Justement, dans la remise jouxtant le garage de Susie, il y avait pas mal d'outillage laissé là par son père... Je trouverais bien une âme charitable pour m'aider à transporter le volumineux appareil jusque là. Volumineux et relativement lourd, comme je le constatai en le décollant légèrement du sol de ma main libre.
Je résolus d'en toucher un mot à Billy, dés que possible, tout en reprenant une gorgée de café pour accompagner ma bouffée de tabac.
0 croire que de songer au loup...on voyais débarquer l'ours, car le patron, justement, passait la porte de service pour lui aussi venir prendre sa dose de nicotine.
Je ne me sentais pas spécialement mal à l'aise d'avoir pris la liberté de m'octroyer cette pause, serein quant au fait que celle ci ne pouvait en rien nuire au bon fonctionnement de l'établissement.
je quittai le four pour me diriger vers lui.
- Vous aussi, boss, vous venez vous en griller une?
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