dive in the past | Jett

(outfit) Revenir à Cornelius après tout ce temps a été un choc. Bizarrement, rien n’a vraiment changé. C’est assez tranquille, et c’est justement ça qu’il cherche : cette ambiance de petite ville tranquille est appréciée.

Mais ça ne suffit pas.

Jessie s’est lancé dans une quête de rédemption, si l’on peut appeler ça comme ça. Devenir un meilleur homme, se faire pardonner auprès de tous ceux qu’il a blessés… C’est une mission difficile qui ne risque pas de se terminer de sitôt. Mais avant de la terminer, encore faut-il la commencer. Il faut bien commencer quelque part.

Et pourquoi pas commencer par lui ?

Ça fait longtemps qu’il a envie de jeter un œil à ce bar. Il aime le concept, ça lui rappelle les débuts du groupe, une époque plus stable… Peut-être était-ce même la meilleure époque, quand ils en étaient encore qu’à leur balbutiement, qu’ils s’extasiaient devant la pochette légendaire du premier album prêt à sortir, ce gros cochon en gros plan. Ça date.

En pénétrant dans l’établissement, son regard parcourt la décoration impeccable du bar. Il s’arrête un instant sur une photo qui lui arrache un sourire : une photo d’eux, une photo des Devinities. Une photo promotionnelle pour le deuxième album. Il se refait le film dans sa tête : tout le monde prend une pause sérieuse, et au dernier moment, le violoniste fait tomber son briquet, tout le monde rit, sauf Jessie qui proteste… Et c’est ce qui reste sur le cliché : le groupe hilare, et Jessie avec la bouche ouverte qui râle. Y avait-il déjà un si grand clivage entre lui et le reste du groupe ?

« Une bud’, » demande-t-il à la jeune femme derrière le comptoir. Celle-ci ouvre grands les yeux en l’apercevant, balbutie une réponse, disparait derrière la porte de service. Elle a dû le reconnaitre, peut-être même qu’elle a pour consigne d’aller chercher le propriétaire des lieux si Jessie venait à montrer sa tête ici…

Le propriétaire, Jett Vaughn, le batteur des Devinities… Un homme dévoué pour le groupe qui a reçu un coup de couteau dans le dos de la part de Jessie quand il a décidé de virer tout le monde…

(c) calaveras.

L’ambiance au bar est calme, ce soir. Au fond, ça ne dérange pas Jett. Il sait que ce n’est pas un signe que son bar s’essouffle. Il sait que, demain, l’endroit sera peut-être blindé, et qu’il fera assez de recettes pour celles qu’il n’aura pas fait ce soir. En réalité, pour Jett, c’est un moment de paix dans la frénésie de ses soirées. Il a laissé la dernière entrée dans l’équipe au comptoir, pour qu’elle se fasse la main. Une gamine d’une vingtaine d’années, comme les deux autres employés. Parfois, il a l’impression d’être leur père et de devoir leur faire les gros yeux. Puis il revient à la raison, Dieu merci, il n’a pas d’enfants. Perché sur l’un des comptoirs dans l’arrière du bar, il écoute les notes qui se faufilent jusque là, d’une jeune artiste qui occupe la scène seule, ce soir. Un putain de courage, voilà ce qu’il faut. Parce que Jett, lui, il n’aurait jamais pu monter sur une scène s’il n’était pas planqué derrière sa batterie, et entouré par ses copains. La porte s’ouvre et, les mains tremblantes, la jeune employée s’approche de lui d’un pas rapide en balbutiant. Les mots ne sont pas clairs, mais il semble comprendre l’essentiel. Un long soupir échappe à Jett. Il avait réussi à éviter cette confrontation depuis si longtemps, qu’il ne pensait plus qu’elle arriverait. Pourtant, si Jessie était de l’autre côté de la porte, il faudrait bien qu’il lui parle. - 

C’est bon, prends ta pause. 

Déjà, se retient-il de rajouter. Récupérant le torchon qu’elle avait dans les mains pour essuyer les verres propres, il le balance sur son épaule avant de rejoindre l’autre côté de la porte. Jessie s’est installé là, comme si de rien n’était. Mais Jett en est certain, s’il est là, c’est qu’il sait pertinemment qui est le propriétaire de ce bar. -

 Est-ce que tu bois toujours pareil, Jessie ? Ou est-ce que tes goûts ont changé avec la célébrité ? Parce que, je te préviens, j’ai pas de champagne orné de paillettes d’or massif ou je sais pas quelle connerie.

 Il le taquine, pas bien certain de comment il a envie que ces retrouvailles se passe. Parce que, ouais, Jessie l’avait blessé au plus profond de lui-même. Il l’avait, sans aucun scrupule, balancé comme une chaussette sale, et Jett avait mis un paquet de mois avant de se relever. Mais au fond de lui, se retrouver face à Jessie ne lui donner qu’une seule envie : lui servir une bière et rire en se rappelant comme ils étaient cons, et heureux.

@Jessie Devine

Il n’a pas changé. C’est la première chose à laquelle pense Jessie en apercevant la grande silhouette de Jett se dessiner derrière le comptoir. Toujours cette même gueule de boxeur, de faux mauvais garçon. Jessie esquisse un sourire. Immédiatement, des dizaines de souvenirs lui reviennent en tête, des bons et des mauvais. Comme il serait bien pratique de ne pouvoir se souvenir que des bons…

Est-ce qu’il boit toujours pareil ? Oui, peut-être même un peu trop depuis sa descente aux enfers. Jett le taquine doucement, c’est pas méchant. C’est pas gentil non plus. « Non, j’ai juste demandé une bière. Et tu sais très bien comme moi que la célébrité m’est montée à la tête avant même qu’on devienne célèbres… » dit-il amèrement en plissant les lèvres. Il reprend le ton malicieux de son interlocuteur, espère marquer des points en avouant un malaise longtemps non assumé.

« Et puis, la célébrité, ça n’a pas que des mauvais côtés, ce bar par exemple… reprend-il en parcourant du regard les murs de l’établissement. Il aurait sans doute pas eu autant de succès si tu avais été personne, ça t’a bien aidé ! C’est pas un reproche, c’est une bonne chose. Je crois. » explique-t-il avec un demi-sourire. Ambiance étrange. C’est pas froid du tout, mais c’est loin d’être chaleureux. Tout le monde savait bien qu’ils n’allaient pas se sauter dans les bras ni se foutre sur la gueule. D’où cet entre-deux mystérieux.

Ce sont tout simplement les premiers mots échangés après presque dix ans de silence embarrassant… Reste à savoir de quoi seront faits les prochains : peut-être qu’eux seront le vecteur d’une réunification plus heureuse… et plus chaleureuse.

(c) calaveras.