Cela faisait déjà quelques mois que Lotte avait déménagé à Cornelius. Elle avait complètement abandonné son ancienne vie, redécouvrant les choses simples d’une existence ordinaire. Pendant des années, elle avait été déconnectée de ce monde réel. Et si elle avait choisi de ne rien garder de sa vie d’avant, la claque restait tout de même importante. Mais bénéfique à ses yeux. Lotte se satisfaisait du peu qu’elle avait. Adieu le luxe indécent, d’être équipée des meilleures marques en tout. Pour habiller son petit appartement, elle avait redécouvert la seconde main, oublié la tendance et avoir l’intérieur le plus moderne possible. Lotte était encore au stade où elle achetait utile et indispensable. Quand elle aurait plus de sous de côté, elle se ferait plaisir à mettre à son goût et à la mode. Pour le moment, il fallait raisonner pratique. Autant faire contre mauvaise fortune, bon coeur.
Ce samedi-là, Lotte essayait d’égayer son appartement. Une plante par ci, un petit tableau acheté dans une brocante par là. Un quotidien qui lui plaisait, elle vivait pour elle, en harmonie avec ses principes. Plus de contraintes ou de souffrance. Une charge mentale qu’elle avait laissé à la porte de son ancienne maison, pour renaître enfin. La blonde continua sa matinée en préparant son repas qu’elle mit à cuire au four. Puis elle retourna à ses activités. Elle brancha son aspirateur et à peine fut il en route que les plombs se mirent à sauter. “C’est pas vrai” souffla-t-elle. Elle se rendit dans l’entrée où se trouvait l’armoire électrique. Le disjoncteur avait sauté. Elle l'enclencha, il sautait instantanément. Lotte fut désespérée, un électricien un samedi, autant dire qu’il ne viendrait jamais ou alors à un tarif exorbitant. Elle ne pouvait pas se permettre ce genre de dépenses actuellement. Elle avait déjà pas mal dépensé pour équiper son appartement, elle n’avait pas le budget pour des réparations.
Mais elle ne pouvait décemment pas rester sans électricité tout le weekend et attendre le réparateur la semaine suivante. Sa maman n’était pas disponible ces jours-ci et elle ne voyait pas bien ce qu’elle pourrait faire de plus. Un seul nom lui vint en tête, la seule personne qu’elle avait envie d’appeler et qu’elle pensait pouvoir lui venir en aide. Elle prit son téléphone et appuya sur le nom de Milo. Après quelques sonneries, il décrocha “Salut, je te dérange pas ?” C’était tout de même le weekend, il pouvait ne pas avoir envie d’entendre sa collègue en plus la semaine. Entendre la voix de Milo à l’autre bout du fil la faisait sourire comme une gamine de quinze ans “Je suis désolée, j’ai les plombs qui ont sauté chez moi, tu peux venir ? Je te paie en bière.” Elle lui demanda d’une voix douce, presque enfantine pour l’apitoyer, sachant parfaitement qu’il n’avait pas besoin de ça pour venir. Il lui avait déjà donné tellement de coups de main, Lotte espérait d’ailleurs un jour lui rendre la pareille, ça ne serait que la moindre des choses.
Comme tous les week-ends, tes activités sont prévues : avancer les travaux de la maison. Tu as laissé ta fille passer la journée avec une amie et sans doute qu'elle te demandera de dormir chez elle quand l'après-midi sera passée. Tu joueras au papa ronchon, qui commence par dire non, puis elle a va insister et tu finiras par dire oui. Tu essais toujours de faire plaisir à ta fille et tu essais de te mettre dans la tête de ta défunte femme "qu'est-ce qu'elle aurait répondu ?" Alors, souvent tu t'adoucies, parce que c'est ce qu'elle était, une femme douce et aimante, qui souhaitait le meilleur pour sa famille. Tu es à l'intérieur de ta maison, continuant de retirer le vieux papier peint, qui a sans vécu de nombreuses années sur ce mur. Il a été jauni par le temps, égratigné. Tu ne rencontres aucune difficulté à arracher des immenses morceaux que tu viens balancer sur le sol. Tu as enfin fini. Tu as passé plusieurs heures depuis 7h du matin à remettre en forme cette petite pièce. Tu mets le tout dans des sacs poubelles. Ton téléphone se met à sonner, tu râles d'abord, ne supportant plus cette sonnerie que tu oublies toujours de changer. Puis, ton râlement se stoppe net quand tu vois le prénom de "Lotte" apparaître ; tu décroches aussitôt. - T'inquiètes pas, j'arrive. Je termine quelque chose, je suis là dans 30 minutes maximum. Tu raccroches et tu files sous la douche. Tu aperçois ta barbe de cinq jours, qui te donne sans doute un côté encore plus viril, mais que tu as encore oublié de tailler, par manque de temps. Tant pis, tu te dépêches. Tu sautes dans des vêtements propres à la sortie de la douche et tu attrapes les outils dont tu auras sans doute besoin. Tu pars de chez toi. Tu te gares devant chez elle, jetant un dernier coup d'oeil dans ton rétroviseur pour voir si tes cheveux sont bien coiffés. Tu fais attention aux détails, tu le fais rarement, mais lorsque tu croises Lotte, lorsque tu rends service à Lotte ; tu le fais toujours. Cela donne presque l'impression que tu souhaites lui plaire. Lotte, c'est une belle femme, avec un parcours compliqué. Une chose est certaine son sourire et son rire, cela t'apaise et te fait du bien au moral. Tu sonnes à sa porte, dans l'attente qu'elle t'ouvre.