New arrival - feat. Bobby Stillinsky

La moto avait cet avantage de lui vider la tête. Deborah avait peu d’occasion de sentir son esprit aussi léger, débarrassé de ses idées noires. La clope les cachaient derrière un brouillard de fumée, l’alcool les noyaient, mais elles étaient toujours là, à guetter le prochain moment de conscience pour ressurgir. Mais à moto, c’était différent.

Mettre son casque. Même les voix dans sa tête étaient étouffées.
Puis monter en selle, mettre le contact. Accélérer d’un coup de poignet, passer les vitesses d’un coup de pied, et tout était laissé en arrière. La médecine. Sa noyade. Portland… Elle avait déjà amené ses quelques affaires en louant un van une semaine auparavant. Ne manquait plus qu’elle et sa fidèle Zanella.

Elle connaissait la route par cœur. C’était l’équivalent de sa route des vacances. Combien d’étés, combien de Noël avait-elle passé chez Granny Tzipporah? Longer la Columbia jusqu’à ce que les panneaux de Cornelius apparaissent. (L’autoroute était plus rapide, mais la route longeant la rivière était de loin la plus belle.) Traverser le centre-ville digne d’une carte postale, passer le parc, s’engager dans la rue du lycée en évitant de renverser les élèves, puis elle était arrivée à Rivergrove. Certaines maisons avaient changé. Les hortensias avaient été remplacés par des allées de voiture, ou un trampoline avait cédé la place à un potager. Mais les murs roses (terriblement ringards et pourtant si reconfortants) de la maison de sa grand-mère étaient tels que dans ses souvenirs. Les treillages n’attendaient que le printemps pour accueillir de nouveau leurs roses.

Deborah mit sa béquille et poussa un soupir, se sentant déjà mieux. Elle descendit de sa selle, retira son casque. Le chant des oiseaux frappa ses oreilles, le murmure des feuilles des arbres ne recouvrant pas les voix cinglantes qui reprirent aussitôt dans sa tête. “Alors, on rentre chez grand-mère à la trentaine? Loser!" "Tout le temps du monde pour devenir une salope solitaire comme elle." "Perds pas ton temps, finis-en tout de suite."

Trop occupée à ignorer les monstres dans sa tête, Deborah ne se rendit pas compte qu’elle n’était pas seule dans la rue.

Monter sur ton deux roues, tu as besoin, Bobby. Tu as l'impression que tous foire dans ta misérable vie en ce moment. Comment cela est-il possible ? Tu as mis une nana enceinte, celle qui pourrait être ta fille. En parlant de ta fille, tu ne pourrais ne plus jamais avoir à lui parler de ta vie. Comment as-tu pu craquer pour sa meilleure amie. Tu te sens misérable, tu te sens comme un moins que rien, tu te sens dépassé. Tu as peut-être racheté une superbe moto, mais même avec ça, tu n'as pas envie de sourire. Pourtant, ceux qui te connaissent le savent, les motos c'est ton moyen de décompresser. Tu es devant chez toi et tu attends que ton ami te livre ce petit bijou que tu t'ais payer. Il y a de nombreuses choses à refaire moteur, embrayage et même des bougies, mais c'est une moto de collection. Tu n'as pas pu faire autrement que de l'acheter. On te l'a dépose enfin devant chez toi, tu n'oublies pas d'y mettre la béquille. Jettant ta veste en cuir sur le bas côté, tu jettes un oeil dans le moteur. Des pièces y sont oxydés, mais tu vas pouvoir faire quelques choses. Tu as déjà commandé les pièces, tu décides de la mettre à nue. Comme-ci mette à nue les choses ne t'as pas valût cet achat compulsif. Merde !Mec! Tu ne penses donc qu'avec ta queue ou simplement qu'à Ophelia. Soudain tu entends un bruit un moteur et ton oeil de motard et forcément attiré par cette douche chanson. Entre motard vous êtes obligé de vous saluer, vous êtes une communauté à part entière. La jeune femme ne semble pas te calculer, alors tu hausses les yeux au ciel. Elle s'arrête, pas loin de toi et elle se met à chantonner quelques choses, tu n'arrives pas à déchiffrer. "Belle bécane!" Dis-tu par signe de respect. Tu n'as rien contre les femmes qui roulent à moto, bien au contraire. Tu trouves cela sexy. Mais clairement, tu n'as pas dans une optique de drague aujourd'hui. Ça t'a créé bien trop de problèmes.

-Belle bécane!
Deborah tourna la tête si vite que son cou craqua. C’était un homme grand (très grand), dans la cinquantaine, au visage chaleureux. A l'instant T, rien de menaçant.
-Vous vous moquez de moi? demanda Deborah, incertaine.
Un sourire fébrile sur ses lèvres pâles mais ses sourcils froncés, son regard allait de sa modeste Zanella au visage de l’inconnu, n’arrivant pas à décider s’il était sérieux.
-La plupart des motards s'en privent pas. C'est qu'une 150, mais j'peux pas m'payer mieux.
Sa main passa machinalement dans ses cheveux négligés, manifestement mal à l’aise. Quelque part dans sa tête, elle avait conscience qu’elle venait d’enchaîner plus de 10 mots avec un inconnu, ce qui devait être son fait de l’année.
-Vous... vous êtes du quartier?

La jeune femme sembla quelques peu surprise de ce que tu venais dire. Alors, évidemment, ce n'est pas le style que tu aimerais pouvoir conduire, mais il faut un début à tout. Puis tu as toujours aimé les deux roues, peu importe la puissance. Ton coeur bat plus pour les gros bolide, assez important comme ta ondine. Tu te souviens comme il était bizarre d'arriver dans le quartier au début et puis ils ont fini par s'y habituer, mais ils n'avaient pas tellement le choix. L'ancienne voisine à souvent râler pour le bouquant que tu pouvais faire en soirée, mais il était impossible pour toi d'arrêter. "Aucune plaisanterie, il y a moins de puissance, mais une deux roues restent une deux roues." Elle continue en te disant que beaucoup de motard se moque d'elle et évidemment, tu les connais, mais tu n'es pas qu'un motard, tu es un grizzly et tu sais te tenir. "À chacun son style de moto, tu crois que j'ai toujours roulé une Harley. Ma première bécane était une 125, mais j'en étais fier." Cela remonte à il y a des années, mais tu t'en souviens comme s'était hier. Elle t'en as donné de bons moments et tu as été heureux sur elle. C'est de cette façon que t'as passion pour les deux roues à commencer. "Là c'est chez moi!" Montrant la demeure derrière chez toi. Une grande bâtisse où tout tes enfants ont pu grandir heureux. Ton chien Creespy dormant toujours à tes côtés. "Et toi ? C'est la première fois que je te vois dans le quartier ?" Il faut surtout dire qu'il est rare de voir quelqu'un avec ce moyen de locomotion, alors, tu n'aurais pu que la remarquer.