too early to do something ; w/aliz

too early to do something
with @Aliz Kemp

Une flemme pesante. C'est un de ces jours où tu préférerais rester au lit. Ne pas bouger de toute la journée. Seulement, c'est le début de la semaine, c'est lundi. Qu'est-ce que tu détestes ce foutu jour ! Alors, six heures et demi, tu es debout. Dans la salle de bain, tu découvres ta tête de fatiguée. Un véritable cadavre. A faire peur. La lumière te brûle les yeux. Beaucoup trop tôt. Ce n'est pas une heure pour se lever. Et pourtant, un coup rapide d'eau froide sur le visage, histoire de te réveiller autant que tu peux l'être et tu commences ta routine.

En une trentaine de minutes, tu es prête : maquillée, habillée, parfumée mais toujours affamée. S'il y a bien une chose que tu as encore chez toi, c'est bel et bien de quoi penser au petit-déjeuner. Quant au reste, tout est vide ! Alors comme tout le temps depuis deux semaines, à peu près, un bol de céréales et voilà. De toute façon, tu n'as pas le choix, c'est la seule chose que tu achètes, avec moins vingt pourcents puisque tu travailles dans une épicerie. L'un des très rares avantages à y travailler : ton premier repas te revient moins cher. Une victoire comme une autre.

Une autre demi-heure après, ton ventre est rempli. Prête à partir et prendre le bus. Il ne te faut pas marcher très longtemps pour aller à ton arrêt de bus, deux minutes même pas. Comme très souvent, à cette heure-ci, il n'est pas rare de voir des étudiants, des lycéens et d'autres travailleurs. Ton casque sur les oreilles, le monde n'a plus d'importance pour toi. Le regard dans le vide, tu ne penses à rien, c'est à peine si tu écoutes vraiment les chansons qui passent. Tu es tout simplement explosée. Tes petits yeux en sont la preuve même. Mais à peine tes yeux se ferment, voilà que ton bus arrive. Tu y montes en premier, tu y retrouves ta place fétiche.

Le trajet ne dure qu'une vingtaine de minutes. Tu descends à l'arrêt adéquat pour rejoindre ton deuxième lieu de travail, l'épicerie bio d'Aliz. Bien que tu te plaignes très, très souvent, tu es forcée d'admettre que tu t'y sens bien, à l'aise, en confiance, en contrôle de ton espace de travail. D'autant plus que ta patronne, contrairement aux autres, ne te fait constamment des réflexions. Elle semble comprendre et accepter ta personnalité et ton caractère ronchon, bien différente de ceux de ta grande-sœur, Charlie, une de ses amis. Tu rentres en boutique, comme toujours, elle est ouverte. Bien que tu aies les clefs, c'est ta patronne qui fait l'ouverture. Toutefois, à l'entrée, tu vois des cageots en bois remplis de légumes, de fruits. Non, non, non ! Pas ça !

« Hey ! Je vais attendre que tu finisses et après, promis, je viens t'aider, je te jure. » Tu te crois maligne, tu sais très bien que tu n'as pas le choix et que la seule chose qui te reste à faire, c'est l'aider à ranger et éparpiller tout ça dans les rayons du magasin. « Je suis trop bien habillée pour faire ça, tu t'en rends compte, j'espère ? »

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with @Aliz Kemp

Il est vrai que tu n'es pas tellement l'employée de l'année. Ta mauvaise foi est innée, tes retards légendaires et ta feignantise, un exploit. Malgré tout, les années passent, tu grandies, tu as de plus en plus de responsabilités au sujet de tout. D'autant plus que tu ne t'imagines pas, à vingt-trois ans, retourner chez papa et maman. Tu tiens à ta liberté, à ton indépendance, à ton appartement toujours propre quand tu rentres. Habituée à une vie rien qu'à toi, y changer pour la partager avec d'autres, ce n'est pas une option. Jamais. Alors, tu n'as d'autres choix que de te montrer sérieuse, travailleuse et attentionnée dans ton boulot. Surtout que ce job, on te l'a donné dans un plateau d'argent pour ne pas rester cette serveuse dans ce bar de tocards, où la main aux fesses était monnaie courante. Bien que tu aimes te plaindre, qu'il s'agit même de l'équivalent d'un sport national pour toi, ici, à l'épicerie, tu te sens bien, elle t'apporte une stabilité et des mœurs concernant le monde du travail que tu n'avais pas avant.

Evidemment, tu ne peux t'empêcher de souffler longuement. Aliz a raison, non seulement tu sais que le lundi est le pire jour de la semaine, mais en plus, elle t'a déjà dit, redit, re-redit que dans une épicerie bio, où ce que l'on vent le plus, sont des patates pleines de terre, s'habiller aussi joliment était complètement inutile sauf si le but est de te salir. Cependant, tu apprécies bien trop le fait de choisir tes vêtements, te maquiller en conséquence pour prendre conscience de l'inévitable. Rapidement, tu prends ton tablier, un cageot dans les bras et tu commences à trier et à ranger tout ce qui doit l'être. « Tu es tortionnaire en dehors de l'épicerie ? Parce que tes menaces sont drôlement efficaces ! » C'est vrai que de tous les patrons que tu as pu avoir, Aliz est l'une des rares qui sait comment te parler sans passer par les insultes et le manque de respect. Une grande première pour toi ! C'est aussi pour ça que tu te sens tellement à l'aise. Bien que tu lui en fasses voir de toutes les couleurs, tu l'aimes bien, ta patronne. Aussi bien en tant que telle qu'en tant que personne. A de nombreuses reprises, tu as pu constater qu'il s'agissait d'une bonne personne. Elle te défend quand même auprès des clients qui vont trop loin avec toi dans leur comportement, et dans leurs paroles. « Oh, trop cool, il y a mes fruits secs ! Ça fait deux semaines que je les attends ! » Aussitôt dit, aussitôt tu prends un paquet pour en ouvrir un et le manger. Tu tends le sachet à ta supérieure. « T'inquiète pas, je vais le payer. Tu en veux ? » Dis-tu la bouche pleine. Comme si personne ne t'avait jamais appris à manger.

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with @Aliz Kemp

D'apparence, tu laisses croire que tu prends tout à la légère. La vérité est que tu portes bien plus d'importance que tu n'y parais. Tu aimes te faire passer pour cette petite peste que rien n'atteint. Toutefois, bien que tu l'admettras même pas sous la torture, Aliz, tu l'aimes bien. Loin d'être aussi hautaine, arrogante et superficielle que tous les autres patrons pour lesquels tu as travaillé dans le passé, tu passes de bons moments avec elle. Cela même s'il s'agit de devoir trier et ranger les livraisons. Au final, tu sais que c'est un moment sympa que tu vas passer à discuter, partager et échanger avec une bosse pour qui, pour la première fois depuis que tu as rejoint le monde du travail, tu ne ressens pas un dégoût profond. Une attitude presque maternelle qu'elle adopte avec toi. Certainement parce qu'elle est, elle-même, maman. Dur à admettre mais c'est en grande partir grâce à elle que tu te sens en sécurité dans ton boulot. « Dory est le meilleur sidekick de tout Pixar et Disney mélangé. » La bouche pleine, tu lui réponds. Aucune classe. Pas étonnant qu'elle soit si épuisée de ton comportement. Elle doit avoir l'impression d'être avec une gamine de six ans, avec toi. « Tu as vu Le Monde de Dory, d'ailleurs ? Il est trop bien, le dessin-animé. » C'est presque aussi fluide et simple que de parler à une amie.

Dans le rangement, ta patronne est tellement rapide que, naturellement, tu finis par adopter le même rythme qu'elle pour éviter de lui causer plus de retard que d'avance comme prévu. Cette épicerie, tu l'as connaît par cœur. Dans les heures creuses, tu aimes bien t'y promener, tout remettre en place telle la maniaque que tu es. Alors, depuis un an, tu sais pertinemment où va quoi, comment il faut le positionner et combien il en faut dans les rayons. Tu ne le montres pas, tu ne le montreras jamais mais tu tiens à cette petite boutique bio. C'est en quelque sorte un peu ton business à toi aussi. Bien que tu n'y fournisse aucun centime dans l'histoire, tu y apportes ton temps, ton énergie et ton organisation quasi parfaite de la caisse. « Je suis ravie de payer pour ces merveilles. D'autant plus que tous mes proches se les arrachent aussi ! » Bien que tu ne connaisses pas énormément de monde, du fait que tu ne sois pas très sociable, mais toutes les personnes à qui tu parles assez pour leur confier où tu travailles, savent pertinemment que l'épicerie est une bonne adresse. Ta supérieure les a déjà tous déjà rencontrés. Une façon de montrer que tu tiens à cet endroit bien que tu aimes faire ta moue insatisfaite constamment. « Je suis la meilleure employée du monde ! » Voilà, tu as fini ton premier cagot, tu es fière.